J'espère que dans ce moment Votre Excellence aura eu le temps de prendre une connaissance suffisante de la nouvelle constitution de la Pologne. On m'assure qu'elle est en partie calquée sur la fameuse de 1791; mais comme je n'ai pu les comparer, je n'affirme rien. Celle-ci parlait, dit-on, dans l'article 1er, de la souveraineté du peuple comme d'un point fondamental explicitement déclaré: la nouvelle ne parle pas aussi solennellement, néanmoins elle reconnaît incontestablement la souveraineté du peuple dans l'article 31, où il est dit que le peuple est représenté par le Roi. J'ai dit pourquoi cette constitution est odieuse aux Russes; je n'y reviens plus. Au reste, monsieur le comte, toutes ces constitutions, considérées en elles-mêmes et dans leur but avoué, ne sont que de vains essais; car c'est un axiome capital aussi sur qu'un axiome de mathématique, que toute nation a le gouvernement quelle mérite; ainsi, tout ce que l'on peut faire pour une nation avant de l'avoir améliorée ne signifie rien et n'a point d'effet, ou ne produit que du mal; mais si l'on considère ces constitutions comme des mesures politiques propres à calmer, à diriger, à satisfaire, à distraire, à tromper même (car souvent il le faut) l'imagination des peuples, ce sont des pièces qui peuvent mériter toute sorte de louanges.
Correspondance diplomatique (1860), Joseph de Maistre (1753-1821)
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